Wednesday, July 23, 2008

Un ami dort (par Jean Cocteau)

Tes mains, jonchant les draps étaient mes feuilles mortes
Mon automne aimait ton été.
Le vent du souvenir faisait claquer les portes
Des lieux où nous avons été.

Je te laissais mentir ton sommeil égoïste
Où le rêve efface tes pas.
Tu crois être où tu es. Il est tellement triste
D’être toujours où l’on n’est pas.

Tu vivais enfoncé dans un autre toi-même
Et de ton corps si bien abstrait,
Que tu semblais de pierre. Il est dur, quand on aime
De ne posséder qu’un portrait.

Immobile, éveillé, je visitais les chambres
Où nous ne retournerons point.
Ma course folle était sans remuer les membres,
Le menton posé sur mon poing.

Lorsque je revenais de cette course inerte,
Je retrouvais avec ennui,
Tes yeux fermés, ton souffle et ta main grande ouverte
Et ta bouche pleine de nuit.

Que ne ressemblons-nous à cet aigle à deux têtes.
À Janus au double profil,
Aux frères Siamois qu’on montre dans les fêtes.
Aux livres cousus par un fil ?

L’amour fait des amants un seul monstre de joie,
Hérissé de cris et de crins,
Et ce monstre, enivré d’être sa propre proie,
Se dévore avec quatre mains.

Quelle est de l’amitié la longue solitude ?
Où se dirigent les amis ?
Quel est ce labyrinthe où notre morne étude
Est de nous rejoindre endormis ?

Mais qu’est-ce que j’ai donc ? Mais qu’est-ce qui m’arrive ?
Je dors. Ne pas dormir m’est dû.
À moins que, si je dors, je n’aille à la dérive
Dans le rêve où je t’ai perdu.

Dieu qu’un visage est beau lorsque rien ne l’insulte.
Le sommeil, copiant la mort,
L’embaume, le polit, le repeint, le resculpte,
Comme Égypte ses dormeurs d’or.

Or je te contemplais, masqué par ton visage,
Insensible à notre douleur.
Ta vague se mourait au bord de mon rivage
Et se retirait de mon cœur.

La divinité amitié n’est pas le fait d’un monde
Qui s’en étonnera toujours.
Et toujours il faudra que ce monde confonde
Nos amitiés et nos amours.

Le temps ne compte plus en notre monastère.
Quelle heure est-il ? Quel jour est-on ?
Lorsque l’amour nous vient, au lieu de nous le taire,
Vite, nous nous le racontons.

Je cours. Tu cours aussi, mais à contre machine.
Où t’en vas-tu ? Je reviens d’où ?
Hélas, nous n’avons rien d’un monstre de la Chine,
D’un flûtiste du ciel Hindou.

Enchevêtrés en un au sommet de vos crises,
Amants, amants, heureux amants…
Vous êtes l’ogre ailé, niché dans les églises,
Autour de chapiteaux romans.

Nous sommes à deux bras et noués par les âmes
(C’est à quoi s’efforcent les corps.)
Seulement notre enfer est un enfer sans flammes,
Un vide où se cherchent les morts.

Accoudé près du lit je voyais sur ta tempe
Battre la preuve de ton sang.
Ton sang est la mer rouge où s’arrête ma lampe…
Jamais un regard n’y descend.

L’un de nous visitait les glaces de mémoire,
L’autre les mélanges que font
Le soleil et la mer en remuant leurs moires
Par des vitres, sur un plafond.

Voilà ce que ton œil intérieur contemple.
Je n’avais qu’à prendre ton bras
Pour faire, en t’éveillant, s’évanouir le temple
Qui s’échafaudait sur tes draps.

Je restais immobile à t’observer. Le coude
Au genou, le menton en l’air.
Je ne pouvais t’avoir puisque rien ne me soude
Aux mécanismes de ta chair.

Et je rêvais, et tu rêvais, et tout gravite.
Le sang, les constellations.
Le temps qui point n’existe et semble aller si vite.
Et la haine des nations.

Tes vêtements jetés, les plis de leur étoffe,
Leur paquet d’ombre, leurs détails,
Ressemblaient à ces corps après la catastrophe
Qui les change en épouvantails.

Loin du lit, sur le sol, une de tes chaussures
Mourait, vivait encore un peu...
Ce désordre de toi n’était plus que blessures.
Mais qu’est-ce qu’un dormeur y peut ?

Il te continuait, il imitait tes gestes
On te devinait au travers.
Et ne dirait-on pas que ta manche de veste
Vient de lâcher un revolver ?

Ainsi, dans la banlieue, un vol, un suicide,
Font un tombeau d’une villa.
Sur ces deuils étendu, ton visage placide
Était l’âme de tout cela.

Je reprenais la route, écœuré par le songe,
Comme à l’époque de Plain-Chant.
Et mon âge s’écourte et le soleil allonge
L’ombre que je fais en marchant.

Entre toutes cette ombre était reconnaissable.
Voilà bien l’allure que j’ai.
Voilà bien, devant moi, sur un désert de sable,
Mon corps par le soir allongé.

Cette ombre, de ma forme accuse l’infortune.
Mon ombre peut espérer quoi ?
Sinon la fin du jour et que le clair de lune
La renverse derrière moi.

C’est assez. Je reviens. Ton désordre est le même.
Tu peux seul en changer l’aspect.
Où l’amour n’a pas peur d’éveiller ce qu’il aime,
L’amitié veille avec respect.

Le ciel est traversé d’astres faux, d’automates,
D’aigles aux visages humains.
Te réveiller, mon fils, c’est pour que tu te battes.
Le sommeil désarme tes mains.

Thursday, July 17, 2008

Mon Orphée.

坐在巴黎的地鐵車廂內,我想起了他家附近的那片森林。

我穿起他的水靴和夾克,和他一起走進兒時遊玩的地方。下雨後的森林沒有想像中易走,滿地草叢和沼澤,要不停用力踩下頑強的樹枝和泥濘才可前進。有些地方以兩條平行的有刺鐵絲欄著。他就用雨傘的柄子鈎著上面的鐵絲一手向上拉,另一腳則踏著下面的鐵絲向下踩,讓我有空間俯身穿過。我小心翼翼越到另一邊,接過他的傘,學他做同樣的動作。他從容地走了過來,和我微笑說謝謝。

在樹林中,有時我們會停下來,靜靜聽著風從遠處吹過來,慢慢撫過一棵又一棵樹,如浪的聲音。他看著我認真地聽著風,笑說他從來沒留意過這聲音,一切對他來說也那麼自然。我望向他。沒有人看見他的眼睛、他的微笑不會讓步。他會向陌生人笑著打招呼,又會主動上前幫助有需要的人,連動物也喜歡跑到他跟前和他玩。在樹和樹之間,他總走在前面,我在後面跟著。他沒有作聲,也沒有回頭。我不知道他心裡在想什麼。我的,Orphée。

走到森林外面,一片偌大的田野。我們在乾草上躺臥著,雙手放在腦後。四野無人,我們看著天上的雲,聽著風的聲音。他嘴裡玩弄著一條折下來的草枝,腳交疊著,望著藍天。我轉過臉盯著他的輪廓。我又別過臉,陽光教我閉上眼睛。我說,要是我這一刻死了,大抵沒有人會找到我。他說,那我就把你殺死吧。然而他不會知道,其實從那一刻開始,我再也找不到自己了。

後來又發生了很多事。在他的朋友前、他的家人、我們的朋友、我倆之間。離開時,他送了我一個小小的海綿地球。他說他也有一個,那我們都可以把世界握在手中。我坐在車上,把手放在額角和他敬禮。早上的陽光從他身後映過來,他的微笑和他的頭髮都染了金黃色。

我記得我和他說過,我不快樂的時候會寫,他說他會跑步。今天陽光很好,我想起了他。我足足跑了個多小時的步。

我的,Orphée。